La Résurrection de Jérôme Génin

Publié le par Immaculata France

Le Miracle de la Résurrection de Jérôme Génin opéré par le Saint Évêque François de Sales

Au cours de vacances passées autrefois au village de Villaz, près d'Annecy, j'avais été frappé par un monument élevé à la mémoire d'un prodige assez inouï dont Jérôme Génin avait été le héros et le bénéficiaire.

Jérôme Génin était un jeune garçon d'une quinzaine d'années. Ses parents qui habitaient Ste-Hélène-du-Lac en Maurienne, l'avaient mis en pension avec son frère François, d'un an plus jeune, chez le "sieur" Claude Puthod, Curé des Ollières. Ils devaient être initiés l'un et l'autre à l'étude du latin, et le curé les avait confiés à son vicaire, le "sieur" Crozet.

Un jour que celui-ci, en l'absence du curé, avait fort maltraité Jérôme "pour n'avoir pas bien su ses leçons, ni assez bien fait son thème", les deux enfants résolurent de s'échapper et de rentrer chez leurs parents.

François, devenu plus tard receveur et greffier de Ste-Hélène-du-Lac, devait déposer sous serment ce qui arriva le matin du 30 avril 1623. Les enfants, s'enfuyant "de matin", arrivèrent au bord de la rivière du Fier, extraordinairement enflée par la fonte des neiges, tombées abondamment dans les jours précédents."Comme nous étions nécessités de passer sur trois chevrons (grosses planches équarries) qui n'étaient point attachés l'un à l'autre, et qui étaient d'une grande longueur, nous eûmes crainte de passer dessus et de périr; néanmoins l'appréhension de retomber entre les mains du sieur Crozet nous fit surmonter cette crainte. Toutefois, avant de nous hasarder,  mon frère et moi, fûmes inspirés de nous recommander aux intercessions du vénérable serviteur de Dieu, François de Sales; et, nous étant mis à genoux, nous fîmes voeu que si, par sa protection, nous pouvions passer la rivière, nous irions visiter son tombeau et entendre la messe dans l'église de la Visitation, où son corps repose".

L'aîné tenta le premier le passage, mais tomba, s'accrochant aux planches. François essaya de le rejoindre, mais le vit tomber dans la rivière en criant: "Bienheureux François de Sales, sauvez-moi!" Et lui-même, effrayé de la chute de son frère, tomba sur les planches et manqua de périr.

"Néanmoins, continue la déposition, comme j'étais assez près de la rive, ayant invoqué plusieurs fois le serviteur de Dieu, m'écriant: Bienheureux François de Sales, sauvez-moi! je me traînai sur le ventre jusqu'au bord d'où j'étais parti et, m'étant relevé, je regardai dans le courant de la rivière si je voyais mon pauvre frère. Je suivis même la rivière environ deux cents pas, pleurant et l'appelant: Mon frère! mon frère! Mais je ne pus voir autre chose que son chapeau qui allait flottant sur l'eau, et qui était déjà bien éloigné de moi".

François alors, tout en larmes, retourna aux Ollières pour chercher du secours. En passant par le village d'Ornay, ses pleurs alertèrent les gens, qui coururent à la rivière et cherchèrent vainement pendant plus de trois heures. Alors arriva Alexandre Raphin, le plus excellent plongeur du pays. Après avoir plongé pendant quatre heures sans succès en suivant le cours de la rivière, il finit par découvrir le corps beaucoup plus bas, et le retira avec infiniment de peine d'un creux très profond où il s'était arrêté.

"On mit le corps sur la plate terre, raconte François, dès qu'il fut hors de l'eau; je le vis si enflé, si hideux, qu'il était méconnaissable... Tous ceux qui étaient présents, dirent tous qu'il était mort, le voyant sans mouvement, tout meurtri et livide."

De fait, il était resté dans l'eau pendant un minimum d'une dizaine d'heures. On déposa le corps dans une grange du hameau d'Ornay, lequel dépendait de la paroisse de Villaz.

Entre-temps le curé d'Ollières qu'on avait fini par rejoindre était arrivé. J'ai sous les yeux sa déposition détaillée: "Vers les six heures du soir, j'entrai dans une grange où l'on me dit que je retrouverais le corps de Jérôme, qui, un peu auparavant, avait été retiré mort du fond de l'eau. Je le vis en effet étendu à plate terre, et je le trouvai si difforme que, si je n'eusse été averti de l'accident je ne l'aurais point du tout reconnu.

"Je vis aussi François Génin, qui pleurait auprès de ce corps, et qui, m'ayant vu, se jeta à moi, me disant: Hélas! Monsieur, mon pauvre frère est mort!

"Je fus au même temps fortement inspiré de promettre à Dieu et à son vénérable serviteur François de Sales, que s'il plaisait à sa divine bonté, pour la gloire de ce sien Serviteur, de donner la vie à ce corps, je viendrais demeurer en cette ville d'Annecy neuf jours, pendant lesquels je célèbrerais neuf messes dans l'église de la Visitation, où est son tombeau. Je fis ce voeu dans cette grange, après y avoir dit un De profundis pour le repos de l'âme de ce jeune homme; après quoi je sortis et allai au presbytère de la paroisse de Villaz, pour y rendre visite au sieur curé, lequel me retint à souper et coucher chez lui. Après le repas, nous allâmes ensemble dire l'office des morts dans la grange, auprès du corps, la nuit étant déjà tombée; puis nous nous retirâmes pour nous reposer.

"Le lendemain, sur  les six heures du matin, j'y retournai et commandai à François Génin, qui s'y trouvait, de s'aller reposer sur le lit où j'avais couché jusqu'à ce que l'on enterrât son frère. Je demeurai dans cette grange environ deux heures, pendant lesquelles je dis mon bréviaire et renouvelai le voeu ci-devant dit.

J'allai de là à l'église de la paroisse, où je répondis et servis la messe que le sieur curé y célébra pour le défunt, après laquelle, m'étant confessé à lui, et suivant la permission qu'il me donna de célébrer la grand'messe et d'ensevelir le corps, je me préparai à cett effet; puis, m'étant revêtu d'un surplis et d'une étole et le sieur curé d'un autre surplis, nous nous en allâmes, précédés de la croix, lever le corps. Plusieurs personnes que nous trouvâmes dans la grange nous dirent qu'il n'y avait plus moyen de demeurer auprès, tant il sentait mauvais.

Aussitôt que nous fûmes sortis dehors en chantant les psaumes accoutumés, j'entendis un bruit confus que faisaient environ trente ou quarante personnes de cette paroisse, qui s'étaient assemblées pour assister à cet enterrement, ce qui nous obligea de nous arrêter et de regarder derrière nous. Je vis alors ce peuple assemblés, les uns à genoux et d'autres levant les bras au ciel, la plupart s'écriant, en parlant à nous: "Messieurs, accourez, le mort est ressuscité! Je rentrai dans la grange et, m'étant, promptement approché du corps dont la face avait été découverte par l'un des assistants, je fut extrêmement étonné de voir ce jeune homme plein de vie; sa face telle qu'elle était avant sa mort, les yeux ouverts, la parole assez ferme, surtout quand je lui demandai s'il ne me connaissait pas. Il me répondit ces propres mots: "Je connais le Bienheureux François de Sales, par qui j'ai été "restitué", et vous aussi, Monsieur le curé."

"Lorsque je le vis sur ses pieds, et qu'il commança à marcher, une frayeur me saisit si fort que je ne pouvais me tenir droit. Je fus donc nécessité de me mettre à genoux; plusieurs des assistants étaient aussi tombés à plate terre, et manquaient de force, en sorte que je peux dire ce que dit l'Evangéliste: Tous furent remplis de stupeur et magnifiaient Dieu, et remplis de crainte ils disaient: Aujourd'hui nous avons vu des merveilles".

Dans sa déposition, François qui était resté près du corps, livre certaines détails complétant le témoignage du curé Puthod.

"Comme on voulut mettre le corps dans un linceul (suivant la coutume de ce pays, où l'on ne met les corps des noyés dans le linceul qu'à l'instant même où on les veut porter en terre), mon frère leva un bras; je l'entendis se plaindre et dire ces mots: O Bienheureux François de Sales!... auxquelles paroles tous ceux qui étaient présents furent tellement effrayés, que les uns prirent la fuite, d'autres tombèrent évanouis, et les autres qui avaient plus de consistance s'écrièrent: Miracle!... Miracle!...

"Monsieur le curé, ayant pris mon frère par la main, le leva, non plus hideux et difforme, comme il était à l'instant auparavant, mais avec son visage ordinaire. M. Puthod lui ayant demandé s'il le connaissait, il lui répondi ces mêmes paroles: Je connais le Bienheureux François de Sales, qui m'a apparu et m'a donné sa bénédiction.

"Au même moment on fit apporter du vin dont il se lava la bouche, les yeux, les oreilles, les narines, où il y avait du sable. On lui donna une chemise et, on s'aperçut qu'il était meurtri en plusieurs endroits. On le revêtit de quelques habits qui furent empruntés, les siens étant encore tout mouillés et pleins de boue. Après quoi, il raconta comme quoi, au moment qu'il fut ressuscité, le Serviteur de Dieu lui apparut, vêtu en évêque, de la même manière qu'on le dépeint dans les tableaux, et lui donna sa bénédiction. Il avait un visage rayonnant, il le regardait d'un oeil doux et  bénin. Après cela, nous nous retirâmes avec le "sieur" Puthod aux Ollières où, étant arrivés, tout le monde accourut à l'église où le sieur Puthod entonna le "Te Deum".

"Le Soir de ce même jour, mon frère but et mangea à son ordinaire. Il est vrai que, dans la nuit, il se plaignit de violentes douleurs qu'il ressentait aux cuisses, aux bras, aux jambes et le sieur Puthod et moi-même nous vîmes les meurtrissures de ses membres. Les douleurs lui durèrent jusqu'au premier jour auquel le sieur Puthod nous mena à Annecy pour rendre nos voeux au tombeau du Serviteur de Dieu."

C'est justement par le récit de cette visite mémorable que le curé des Ollières termine sa propre déposition:

"Le quatrième jour du mois de mai de ladite année 1623, Jérôme et François Génin, frères, et moi, partîmes environ dans les cinq heures du matin pour aller rendre nos voeux, dans cette ville d'Annecy au tombeau du Serviteur de Dieu François de Sales.

"Nous arrivâmes sur les neuf heures du matin du même jour; aussitôt je célébrai la sainte messe, qui fut la première des neuf que j'avais promis à Dieu d'y célébrer. J'y communiai Jérôme et François Génin, qu'un peu auparavant j'avais ouïs en confession. Incontinent après que j'eus fini mon action de grâces dans la sacristie, je fis coucher Jérôme tout doucement sur le tombeau du Serviteur de Dieu. Il demeura en cette sorte environ un demi quart d'heure pendant que j'étais à genoux avec François son frère. Au bout de ce temps, il se leva avec une vigueur extraordinaire, en nous disant ces propres paroles: Par la miséricorde de Notre Siegneur, mes douleurs viennent de cesser tout à coup. Cela m'obligea à vouloir visiter ses jambes, ses cuisses et ses bras que, ce même jour, avant de partir des Ollières, j'avais vus noirs et meurtris en divers endroits; à cet effet, je lui fis tirer un de ses bas de chausse, et je vis que sa jambe était sans aucune noirceur ni meurtrissure.

"Je remerciai Dieu de cette grâce, et quand nous fûmes retirés dans l'hôtellerie, je visitai aussi tout son courps, que je trouvai ainsi qu'il était avant sa chute dans la rivière."

Et le curé des Ollières de conclure:

"Nous demeurâmes à Annecy les neuf jours entiers pendant lesquels je célébrai les neuf messes que j'avais vouées; après quoi, nous nous en retournâmes aux Ollières, où les deux frères Génin demeurèrent jusqu'à la fête de saint Michel suivant, que leurs parents les envoyèrent prendre pour les conduire au collège de Chambéry. Jérôme est maintenant prêtre, curé de la Rochette en Savoie, diocèse de Maurienne. Il est aussi official forain dans le même diocèse. Je sais de lui-même qu'il vint souvent remercier Dieu et son saint Serviteur François de Sales, devant son saint tombeau, de toutes ces grâces susdites."

Les deux témoignages qui nous ont permis de faire le récit de la résurrection de Jérôme Génin sont empruntés à l'ouvrage qui a pour titre: Pouvoir de saint François de Sales, ou miracles et guérisons opérés par le saint évêque, tirés du procès de sa canonisation et de pièces authentiques, 2° édition, revue sur les pièces originales, imprimerie Dureuil à Bourg, 1911.

Pour mettre en relief toute la valeur de ces documents, il est important de noter que la résurrection de Jérôme Génin fait partie des dix miracles relatés dans la bulle de canonisation, signée par le Pape Alexandre VII le 13 mai 1661. "Miracles, dit la Bulle, dont la vérité est constatée et reconnue par des informations publiques, faites et mûrement examinées par la Sacrée Congrégation des Rites, sous notre autorité."

Voici d'ailleurs le texte exact de la Bulle rapportant l'événement: "Jérôme Génin, s'était noyé, et l'on portait en terre son cadavre enveloppé d'un linceul exhalant déjà une odeur fétide, lorsque tout à coup, ressucité, il remua les bras sous son suaire, et éleva la voix pour publier les louanges de François de Sales, disant qu'à ce moment ce saint Evêque lui était apparu, revêtu de ses habits pontificaux, avec un visage plein de douceur et de majesté, tout resplendissant de gloire; miracle qui fut encore accompagné d'autre circonstances tout à fait merveilleuses".

Abbé André RICHARD dans "L'Homme Nouveau" du 2-4-1972. "Ave Maria", Bulletin Trimestriel du Centre Marial, B-5300 Ciney - Belgique, 13me année - n° 2, 1er Juin 1972

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